Jeudi 10 octobre dernier, Sanofi lâchait une bombe à laquelle personne ne s’attendait (enfin si, mais il fallait suivre un peu le dossier). Non, le laboratoire français ne venait pas de découvrir un traitement miraculeux. Non, il n’allait pas non plus racheter un concurrent étranger trois fois plus gros que lui. Non… le géant tricolore de la santé annonçait simplement, officiellement, qu’il allait vendre sa marque Doliprane (via la cession de sa branche Santé Grand Public) à un fond américain. !
Une annonce qui, en elle-même, n’émeut pas vraiment le marché. Tout simplement parce que cela fait déjà un an que le groupe a annoncé étudier la vente (ou l’introduction en bourse) de sa filiale Opella. Mis à part le prix de vente (près de 16 milliards €) et le nom du grand vainqueur (le fond américain CD&R), rien de vraiment croustillant / révolutionnaire à se mettre sous la dent…
France, pays d’avenir…
Sauf que nous sommes en France. Et en France, la “start-up Nation”, on sait de quoi on parle ! La défense des intérêts stratégiques et souverains est une bataille de tous les jours. Une bataille que les élus de la Nation ont dans le sang !
Laisser partir Doliprane aux États-Unis, c’est un tout un pan de l’histoire française qui s’envole ! C’est un risque majeur pour la santé de millions de français ! C’est un crime bien plus grave que la trahison “nucléaire” de Madame Voynet ! Imaginez, comment les français feront-ils pour soulager fièvre et douleurs si ce sont les américains qui contrôlent Doliprane ? C’est un combat de longue haleine qui s’engage. Un combat à mort ! La classe politique est mobilisée, enfin. Unie pour faire front !
… incertain
Coupons court rapidement à ce scenario digne d’un film de série B diffusé en début d’après-midi sur l’une des deux principales chaînes privées françaises. Même Netflix n’en voudrait pas. Pour rien au monde !
Car ce que certains “indignés de la République” oublient d’évoquer, c’est qu’ils ne maîtrisent aucunement le sujet, vérifiant ainsi l’adage selon lequel ce sont ceux qui en parlent le plus qui en savent le moins. A moins qu’ils ne sachent très bien… et fassent ouvertement preuve d’une malhonnêteté intellectuelle abyssale. Oseraient-ils vraiment se servir (encore une fois) de l’ignorance / docilité de leurs concitoyens afin de les manipuler de façon éhontée ?
Car voici ce qu’il faut savoir de cette “affaire Doliprane”, afin de bien comprendre qu’il ne s’agit de rien d’autre que d’une bataille pour une coquille vide :
- “Doliprane” n’est rien d ‘autre qu’une marque commerciale vendant un principe actif (anti-fière & douleur) plus largement connu sous le nom de Paracetamol.
- Le Paracetamol est un principe actif découvert il y a plus d’un siècle, et tombé dans le domaine public depuis de nombreuses décennies.
- Le Paracetamol est un principe actif fabriqué aux États-Unis et en Chine. Il ne le sera en France que dans quelques mois (indépendamment du devenir de la marque Doliprane).
- Le Paracetamol est disponible en France sous près d’une trentaine de marques différentes (Doliprane, Dafalgan, etc.)
- Les vendeurs de médicaments à base de Paracetamol ne produisent pas ce Paracetamol. Ils ne font que l’acheter et le transformer en gélules / cachets / sirops.
En d’autre termes, la levée de boucliers contre la vente de la marque Doliprane à un fond américain ne repose sur absolument aucun élément de fond ! Que Doliprane soit français, américain ou russe ne change absolument pour les patients. S’acharner parce que cette marque va devenir américaine, c’est un non sens total !
Un État rétrograde, entre clientélisme et absence de vision de l’avenir
L’affaire Doliprane aurait pu s’arrêter là. Une classe politique qui fait une nouvelle fois preuve d’autant de médiocrité, c’est déjà très chèrement payé pour un pays qui n’a pas besoin de cela. Et pourtant… La réaction de l’État est finalement à la hauteur du niveau des hommes (et femmes, pas de discrimination ici !) politiques !
Alors que des États encouragent leurs entreprises à innover afin de devenir (ou rester) des leaders mondiaux de l’innovation… Alors que les américains sont désormais capables de récupérer des fusées en vol… Alors qu’en Asie du sud-est on développe des ordinateurs quantiques atteignant les limites de la physique… En France, l’État se gargarise d’investir 150 millions d’€ dans une marque “quelconque”, produisant un produit noyé parmi des dizaines d’autres similaires, et avec des marges faibles. 150 millions € pour acquérir 1% de l’entreprise et s’attirer les bonnes grâces d’une opinion publique totalement désinformée sur le sujet.
Un mal bien français
Tout ceci est le symptôme d’un mal profondément ancré dans le pays. En France, on rejette tout ce qui, de près ou de loin, ressemble à de l’innovation. On vit sur nos acquis. Même lorsque nous sommes à la pointe de la technologie dans certains domaines, nous refusons l’évolution, considérant que nous ce que nous avons déjà est “au top” et surtout… qu’il y restera dans les années à venir.
Le Minitel est le parfait exemple de ce mal qui nous ronge. Après avoir développé une technologie nouvelle et fonctionnelle… plus rien. Dénigrement des nouveautés (internet). Refus d’évoluer. Pour, au final, se retrouver totalement distancé. Les français se plaisent, aujourd’hui et depuis plusieurs décennies, à conserver le petit confort qu’ils ont acquis, sans jamais chercher à faire progresser celui-ci. Leur vision de l’avenir est totalement absente.
Un investissement inutile
Ces 150 millions € que l’État s’apprête à investir (via la BPI -Banque Publique d’Investissement-) dans Opella pour 1% de son capital n’ont aucune justification autre que celle de faire du clientélisme et du populisme. Dans la situation budgétaire dans laquelle se trouve le pays, s’abstenir aurait été une bien meilleure chose.
Quitte à investir ce montant, il aurait été nécessaire que cela se fasse dans “l’avenir” plutôt que dans “le passé”. Quand le monde entier regarde devant lui (nouvelles technologies) et que la France se tourne vers la passé (principe actif vieux de plus d’un siècle), il est totalement aberrant de pouvoir penser que ce sont les autres qui seraient dans l’erreur et qui feraient ainsi n’importe quoi.
Un raisonnement qui pourrait également s’appliquer à l’Union Européenne, laquelle prend plus de temps à légiférer sur tout et n’importe quoi (les bouchons de bouteilles fixes, l’IA, etc.) qu’à chercher à favoriser le développement d’activités de croissance et de pointe.
Comment agir au niveau individuel ?
Nombreux sont celles et ceux qui considèrent ces agissements comme étant contraires aux intérêts nationaux. Comment agir afin de ne pas rester sur la touche ? Difficile, concrètement, de faire évoluer les choses. Dans un monde idéal, il pourrait bien y avoir le vote… Mais dans notre monde très rares sont les politiques qui ont réellement conscience des besoins réels du pays (et de l’Europe).
Individuellement, la meilleure des choses à faire serait plutôt d’investir. Mais de le faire dans ces secteurs de pointe et de croissance. Même si cela revient à investir sur des sociétés étrangères, dont le siège est à l’autre bout du monde. L’important est de posséder des parts de ces leaders d’aujourd’hui et de demain. A défaut d’en faire directement profiter la France et l’Europe, vous en profiterez vous-mêmes. Ce qui sera déjà un bon début.
Bien sûr, et heureusement, il existe des entreprises françaises / européennes qui innovent et qui sont capables d’être leaders sur leurs marchés. Ces entreprises sont évidemment à soutenir. Néanmoins, il faut garder en tête que l’environnement dans lequel elles évoluent et se développent est particulièrement compliqué et difficile à appréhender.